Le président Emmanuel Macron n’a pas de « vision », au sens où un homme d’État aurait une compréhension historique des événements. Il se comporte plutôt comme un joueur de casino, qui certes a fait de beaux coups (financiers, médiatiques, etc.), mais qui s’est finalement rendu ivre de son pouvoir, jusqu’à plonger tout le pays dans une crise sans retour.
En Macronie, la démocratie est remplacée par un régime électif où le peuple, parce qu’il est considéré comme irrationnel et incapable de se gouverner lui-même, doit se dessaisir (par les élections) de la totalité de son pouvoir. Cette confusion entre démocratie et élection culmine dans les propos de Bruno Le Maire, L’idéologie selon laquelle l’élection désignerait les meilleurs est ancienne. Elle a été élaborée par la théorie du gouvernement représentatif (à la fin du XVIIIe siècle), contre l’idée démocratique.
Dans ce contexte idéologique, qui est toujours le nôtre, l’élu ne peut pas faire partie du peuple. Le « peuple », c’est la masse des classes modestes, des gens non éduqués que les élus guident avec pédagogie.
Le nouveau libéralisme autoritaire, né dans les années 1930, impose une prétendue « démocratie » dans laquelle il confond le « dêmos » avec une masse d’individus à éduquer. C’est le thème de la fabrication du consentement par les industries culturelles. L’enjeu, c’est d’éviter la violence armée (des régimes totalitaires de l’époque) pour privilégier la voie douce de l’hégémonie culturelle, celle qui s’imposera un peu partout à partir des années 1970.
Mais à partir du refus du traité constitutionnel européen de 2005, cette méthode ne fonctionnera plus, et c’est ce qui va pousser le néolibéralisme à exercer la violence à visage découvert. À la violence économique cachée va s’ajouter la violence psychologique (avec le harcèlement) puis physique (avec la répression policière), visant à isoler les individus et à dissoudre toute forme de collectif.
Le moment que nous vivons révèle un nouveau stade de mutation du néolibéralisme : une haine de la démocratie qui n’hésite plus à imposer « l’ordre » par les violences policières et qui, ce faisant, sème le chaos dans tout le pays.
Le mouvement social actuel se réfère comme les gilets jaunes, à la Révolution française. On peut y voir une nouvelle étape des gilets jaunes, avec la référence à 1789, au drapeau français, à la notion de souveraineté populaire, à la défense de l’État social et des services publics. En 2018, c’était le jaune fluorescent des gilets jaunes qui brillait dans une nuit noire. Aujourd’hui, sur les gilets et les drapeaux, c’est une explosion de couleurs.
Extrait de réflexion de La philosophe Barbara Stiegler dans un article de Politis
Et vous vous voyez comment la démocratie ?